Raul Castro au Mexique, pour renouer un lien historique

C’est la première fois que Raul Castro fait une visite d’Etat au Mexique. Le président cubain devait s’entretenir, vendredi 6 novembre, avec son homologue mexicain, Enrique Peña Nieto, à Mérida, dans l’Etat du Yucatan (sud-est). Cette visite confirme la reprise d’un lien historique, malmené par l’alternance politique mexicaine de l’année 2000.
Le Mexique n’a jamais rompu ses relations diplomatiques avec Cuba, même après la révolution de 1959, à la différence des autres pays d’Amérique latine. « La révolution cubaine s’est fomentée au Mexique », rappelle Adolfo Laborde, spécialiste des relations internationales à l’Institut technologique de Monterrey. En 1956, le yacht Granma, avec à son bord Fidel Castro et Ernesto Che Guevara, est parti de l’Etat mexicain de Veracruz (sud-est).
Ce lien historique entre les deux pays a été entretenu par le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre), qui a gouverné le Mexique durant soixante et onze ans jusqu’en 2000. « En retour, le gouvernement cubain s’est abstenu de soutenir les mouvements mexicains de guérilla dans les années 1960 et 1970 », commente M. Laborde.
« Mexico souhaite participer à la modernisation de l’économie cubaine » affirme Socorro Flores Liera, secrétaire d’Etat mexicaine
Mais l’élection présidentielle de Vicente Fox (2000-2006), du Parti d’action nationale (PAN, droite), a mis à mal cette relation. En mars 2002, le chef d’Etat mexicain demande à Fidel Castro de quitter la Conférence internationale sur le financement pour le développement, organisée à Monterrey dans le nord du Mexique, pour éviter de croiser le président américain George W. Bush. Une offense révélée par le dirigeant cubain, qui rend public l’enregistrement de sa conversation téléphonique avec M. Fox.
Fin 2012, l’entrée en fonctions du président Peña Nieto, qui marque le retour au pouvoir du PRI, change la donne. Mexico annule 70 % de la dette cubaine (449 millions d’euros). « Un rapprochement plus pragmatique qu’idéologique, qui se concrétisera, vendredi, par la signature d’une poignée d’accords sur le tourisme, l’éducation ou la pêche », confie une source diplomatique. Septième pays pour l’origine des touristes qui visitent l’île, le Mexique est son troisième partenaire commercial en Amérique latine, après le Venezuela et le Brésil. « Mexico souhaite participer à la modernisation de l’économie cubaine », confirme Socorro Flores Liera, secrétaire d’Etat mexicaine chargée des relations extérieures avec l’Amérique latine et les Caraïbes.
« Plan B pour le régime castriste »
L’autre intérêt du Mexique semble être de renforcer son leadership régional perdu. Le gouvernement mexicain, qui a longtemps joué un rôle d’intermédiaire entre Cuba et les Etats-Unis, n’a pas participé à leur rapprochement marqué, le 20 juillet, par l’ouverture de leurs ambassades respectives à Washington et à La Havane. Pour M. Laborde, « Peña Nieto veut aussi surtout s’assurer que le régime cubain ne soutiendra pas des mouvements d’opposition de gauche alors que son gouvernement fait face à une crise de légitimité ».
L’enjeu est aussi de taille pour Cuba, dont les premiers bénéfices économiques du rapprochement avec les Etats-Unis pourraient attendre l’issue de l’élection présidentielle américaine de 2016. D’autant que la fin de l’embargo américain est conditionnée à un vote du Congrès, contrôlé par les républicains hostiles à ce projet.
Le temps presse : les importations cubaines de pétrole en provenance du Venezuela sont gravement menacées par l’instabilité économique et politique de ce pays allié, où l’opposition a de fortes chances d’emporter les élections législatives du 6 décembre. Sans compter que Cuba pâtit de la récession brésilienne. « Dans ce contexte incertain, le Mexique pourrait être un plan B pour le régime castriste », prévoit M. Laborde.
Un point de vue contesté par Jorge Castañeda, ancien ministre des relations extérieures du président Fox : « Le Mexique ne peut rien pour Cuba avec une production pétrolière en chute libre et des patrons qui refusent de braver l’embargo au risque de perdre leur précieux visa pour les Etats-Unis. » Selon nos informations, aucun accord pétrolier n’est prévu entre les deux pays, dont le commerce bilatéral s’est limité à 374 millions de dollars (344 millions d’euros) en 2014.

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