Frédéric Saliba
Le président mexicain, Enrique Peña Nieto, devait dî- ner, jeudi 6 juillet, avec son homologue français, Emmanuel Macron, au palais de l’Elysée, à la veille de sa rencontre très attendue avec Donald Trump en marge du G20 à Hambourg. Mur frontalier, immigration illégale, sécurité, commerce… Les pommes de discorde ne manquent pas entre les deux voisins d’Amérique du Nord.
Vendredi 7 juillet, les présidents mexicain et américain se réuniront pour la première fois depuis l’élection, en novembre 2016, de M. Trump. Fin janvier, ses déclarations sur la construction d’un mur frontalier entre les deux pays, financée par le Mexique, avaient contraint M. Peña Nieto à annuler sa visite prévue à Washington. Cette promesse phare de la campagne de M. Trump, ajoutée à ses propos cinglants à l’encontre des migrants mexicains, qualifiés de « criminels » et de « violeurs », avait provoqué une crise diplomatique entre les deux pays.
Le 21 juin, M. Trump a enfoncé le clou en projetant d’équiper le mur de panneaux solaires. « Ainsi, le Mexique aura beaucoup moins à payer », a précisé le président amé- ricain, dont le gouvernement pré- voit d’avancer les fonds pour sa construction. L’appel d’offres est lancé depuis mars, mais son financement reste en suspens au Congrès. Ce dernier n’a pas accordé à M. Trump les 3,6 milliards de dollars (3,2 milliards d’euros) sollicités dans le budget 2018. Des prototypes du mur devraient pourtant être construits, en septembre, entre la ville américaine de San Diego et Tijuana, au Mexique.
Trump a déclaré la guerre aux 11 millions de sans-papiers aux Etats-Unis, dont 5,6 millions sont mexicains. Il a notamment ordonné, en février, le recrutement de 15 000 agents d’immigration et l’extension des expulsions immé- diates aux clandestins présents sur le sol américain depuis deux ans. Seuls les 700 000 « dreamers » mexicains, arrivés enfants aux Etats-Unis et scolarisés, sont épargnés. Pour l’heure, la lente mise en place de ces mesures et l’opposition qu’elles suscitent aux Etats-Unis semblent néanmoins freiner les expulsions massives (38 451 au premier trimestre 2017).
Le gouvernement mexicain a alloué 1 milliard de pesos (55 millions de dollars) à ses 50 consulats sur le sol américain pour défendre légalement ses compatriotes. M. Peña Nieto joue parallèlement la carte de la conciliation en renforçant le plan Frontera Sur (« frontière sud »), instauré en 2014, pour arrêter et expulser les migrants centraméricains avant leur arrivée aux Etats-Unis.
Echec de la guerre aux cartels
La coopération dans la lutte contre les cartels de la drogue semble aussi épineuse. Si le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, a reconnu, en février, la responsabilité des Etats-Unis dans le trafic d’armes vers le sud, M. Trump continue d’accuser son voisin d’être responsable de l’explosion de la consommation d’héroïne sur le territoire américain. D’autant que, selon le budget 2018, l’aide accordée par les EtatsUnis au Mexique (87,7 millions de dollars) sera réduite de moitié par rapport à 2016. «L’échec de la guerre lancée par le gouvernement mexicain contre les cartels donne des arguments à M. Trump pour promouvoir sa politique de “l’Amérique d’abord” », déplore le politologue Gustavo Lopez.
Enfin, dernier sujet de conflit : la renégociation de l’Accord de libre- échange nord-américain (Alena), voulue par M. Trump et qui devrait débuter le 16 août. Le président américain menace d’abroger cet accord, en vigueur depuis vingttrois ans entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada, qu’il accuse d’être trop favorable à son voisin du Sud. Il agite la menace de taxes douanières, allant de 5 % à 35 %, sur les produits mexicains. Le Mexique joue gros : 80 % de ses exportations s’effectuent vers les Etats-Unis. « Cette dépendance place le gouvernement mexicain dans une position de faiblesse », commente Jorge Castañeda, politologue et ancien ministre des affaires étrangères (2000-2003) qui se félicite néanmoins de la rencontre entre les deux présidents au G20, « en terrain neutre ».
Le dîner, la veille, entre les chefs d’Etat français et mexicain jouerat-il un rôle dans ce bras de fer ? Pour M. Castañeda, « M. Macron pourrait devenir un allié de M. Peña Nieto car les deux hommes partagent les mêmes points de vue sur l’importance du libre-échange et de la lutte contre le changement climatique ». D’autant que la modernisation du traité de libre- échange entre le Mexique et l’Europe est en négociation. « Mais ces liens ne régleront pas la crise américano-mexicaine », tempère M. Castañeda.